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Retour de Bohême du Chœur Tutti Canti de Saint Cyprien

Après la Fête des fleurs à Gérone, le chant pour la paix à Saint-Cyprien en hommage à la Retirada et le concert de musique sacrée ovationné dans l’église comble de Saint-Jacques à Canet, Tutti Canti revient de Bohême invité par deux chorales tchèques. Un défi pour l’ensemble de Saint-Cyprien qui, bien que n’étant pas au complet, s’est confronté aux formations d’un pays doté d’une pratique musicale historiquement très enracinée et de haut niveau.

Un premier concert à Prague de chants couvrant la période fin Renaissance au classicisme français de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) avec la Missa Brevis d’Antonio Lotti (1667-1740) œuvre baroque de choix où les voix introduites par les Ténors, puis les Basses, les Altos et les Sopranos, exposent successivement et à intervalles variables le motif principal. Un jeu de répétitions en décalage qui contribue à figer le temps jusqu’au recueillement que la tonalité de ré mineur accentue. Avec Surrexit Christus de Samuel Scheidt (1587-1654) le passage des ténèbres à la lumière ressort du contraste entre la richesse symphonique renaissante et la flexibilité mélodique du baroque. Le chant introduit par la voix claire et expressive d’Éloïse Aymerich qui dirige l’ensemble, est repris et développé par le chœur dans une dynamique qu’insuffle le balancement ternaire de l’écriture. L’Ave Maria dit de Giulio Caccini (1551-1618) précédait l’intervention de la chorale de Saint Thomas de Prague, dirigée par Pavel Verner, dans un registre de musique sacrée de la Renaissance qui a débuté par une œuvre de František Xaver Thuri (1939-2019), comme un hommage à ce maître du baroque, décédé le 22 avril dernier, qui composait à la façon ancienne mais dans un style très personnel. Au programme, le Sepulto Domino de Jan Dismas Zelenka (1679-1745) compositeur né en Bohême qui a travaillé avec Antonio Lotti à Venise et était estimé de J.S. Bach qui l’hébergea à Leipzig. Une musique d’une grande expression émotionnelle dans la tonalité de sol mineur qui, si elle modère les plaintes, n’empêche pas un moment dramatique particulièrement intense, né du jeu polyphonique des combinaisons de voix, très bien rendu par l’interprétation de Pavel Verner. Un ensemble vocal d’une grande qualité qui a abordé des compositeurs européens témoignant du rôle central de Prague à l’époque baroque.

Second concert à Vojnův Městec, localité proche de la Moravie, à l’initiative du Chœur mixte Doubravan, une des plus anciennes formations chorales, fondée en 1862. Á sa tête Jakub Pikla, un jeune chef de 24 ans récompensé par plusieurs prix de direction, qui a programmé des chants populaires tchèques de compositeurs du XX ° siècle. Un patrimoine aux racines enfouies dans la mémoire de la terre, que les dominations successives des empires voisins tout au long de l’histoire n’ont fait que raviver, une musique comme élément constitutif de l’identité nationale. Zdeněk Lukáš (1928-2007) est l’exemple de ces compositeurs porteurs de ce processus identitaire sans lequel il ne peut y avoir de liberté d’expression.

Il n’est pas surprenant que les chants catalans interprétés dans la deuxième partie de chaque intervention de Tutti Canti, et en particulier La Santa Espina, tout comme El Cant dels Ocells, ce chant traditionnel de Noël devenu symbole de paix, aient eu une résonnance particulièrement forte chez les choristes tchèques.

Un Ave Verum réunissant les deux chorales a clos chacun de ces concerts. D’abord Mozart à Prague puis Saint Saëns à Vojnův Městec. C’est Éloïse Aymerich, chef de la chorale invitée qui a eu l’honneur de la baguette. Déjà à Canet, elle nous a habitués à la direction de l’orchestre et du chœur. Avec ces dernières pièces à forme de motet, les deux ensembles ont donné, par la régularité du rythme, ce sentiment particulier de la permanence des choses.

Un déplacement qui marquera longtemps le chœur Tutti Canti tant par la qualité des échanges musicaux que par l’accueil des chorales et du public et par la présence d’Helena Spudilová, interprète précieuse et dévouée qui a su, dans un français irréprochable, passionner ces étrangers de passage pour son pays à l’histoire très riche et traduire la présentation de chaque concert.

Jacques Marmayou